La comptabilité en texte brut : ma découverte

Par Benoit Pruneau, . Lien permanent

J'étais devenu réfractaire à me faire un budget. J'avais fini par me dire : Les budgets, c'est pour ceux qui sont serrés dans leurs finances. Plus que t'en a de collé, moins tu vis d'une paye à l'autre, moins tu as besoin de faire un budget. En fait, je n'osais pas regarder la vérité en face : faire ses finances, c'est long. En plus, personne ne fait son budget de la même façon. Avec les mêmes outils. C'est un sujet tabou; tout le monde sait qu'il faut faire un budget, et en même temps, j'ai rarement vu quelqu'un lancer la conversation en parlant de sa difficulté à faire le suivi de ses dépenses.

Dans mes jeunes années d'adulte (au tournant du millénaire), je m'étais fait les dents sur Quicken, logiciel prometteur, sur Windows 2000 (ou XP, je ne me souviens plus). J'avais encore de l'énergie. Je m'étais donné corps et âme dans la tenue de ma comptabilité personnelle. Ma blonde de l'époque me trouvait, avec raison, un peu rigide sur les bords.

Puis, nos enfants naquirent. Et mes priorités ont changé. J'ai lâché Quicken. Plus le temps. Ensuite, l'envie de s'y remettre s'était perdu.

Par la suite, je savais que je me devais de surveiller mes dépenses. Mais je cherchais LA façon de le faire le plus simplement. Les logiciels comptables sont nombreux. Et malheureusement, chaque logiciel a sa logique à lui. Chaque logiciel vient avec un apprentissage particulier.

C'est ce qui me rebute. Apprendre GnuCash ou HomeBank, par exemple, y passer la soirée à inscrire tous nos comptes, pour finir par se rendre compte de tout ce qu'il faudra faire avant de finir par avoir un état des résultats qui ne répond peut-être pas nécessairement au besoin désiré, puis avoir le goût de changer de logiciel, mais avec la perspective de devoir tout réapprendre… Bref, ça ne m'intéressait pas. Et, je ne suis pas si désespéré côté finances, j'avais mes stratégies. Je réserve telle carte de crédit pour telles dépenses, j'utilise tel compte pour mes transactions répétitives, il se prélève automatiquement X dollars de mon salaire vers un compte d'épargne.

Oui oui, mais reste que depuis trois mois, je suis probablement allé au resto trois fois plus souvent qu'à l'habitude. Je ne me souviens plus pourquoi j'avais prêté cinquante dollars à ma plus jeune. Pire, je ne me souviens plus que j'avais prêté cinquante dollars à ma plus jeune. Elle est contente que je ne m'en souvienne plus…

Oui, mais c'est compliqué, faire le suivi de ses dépenses…

Plus maintenant. J'ai trouvé la méthode pour faire la trace de tout ça : le bon vieux fichier texte. C'est tellement niaiseux, je me demande même comment ça se fait que je n'y avais pas pensé avant. Merci à Robin Millette pour m'avoir fait découvrir ça!

Depuis quelque temps, j'ai jeté mon dévolu sur hledger.

2024-08-06 Épicerie
    Actif:Banque:Compte opérations     -10,50 $
    Dépenses:Nourriture

2024-08-07 Versement de mon prêt bancaire
    Actif:Banque:Compte opérations    -124,59 $
    Dépenses:Intérêt                    12,44 $
    Passifs:Prêt personnel

Donc, voilà. C'est ça, tenir un journal des transactions avec hledger. C'est beaucoup plus facile à faire qu'avec n'importe quel logiciel graphique, ne serait-ce que pour dupliquer les transactions répétitives : vous savez, le bon vieux copier-coller…

Les plus :

  • La saisie n’a pas à se faire via un logiciel précis. N’importe quel éditeur texte peut faire. Sur Nextcloud ou sur Gitlab, on peut utiliser des fichiers .txt pour stocker les transactions et les éditer en ligne, alors c'est accessible sur ordinateur ou sur son téléphone. Inscrire une nouvelle transaction dans un fichier texte est archifacile; il ne s’agit que de respecter les normes (commencer la première ligne par la date, faire au moins une espace pour indenter les lignes, faire au moins deux espaces entre le nom du compte et le montant…). Il peut être donc fait directement sur le fichier stocké en ligne. On n'a qu'à le télécharger ensuite pour l’analyser avec hledger.

  • Le logiciel détecte le formatage des nombres: Peu importe que vous utilisiez une virgule ou un point comme symbole décimal, il fera avec. Il est aussi agnostique sur la devise utilisée (CAD, USD, Euros…). On peut même ne pas l’indiquer, et c’est ce que je fais, d’ailleurs. Il faut juste utiliser toujours la même syntaxe dans tout le fichier.

  • On peut mettre des tags et des commentaires. Ça, là… c’est ben pratique. Après, on peut faire des analyses sur seulement les transactions attachées à un tag. Il faut juste encore là s’assurer d’écrire tous ses tags pareils. On a intérêt à avoir de courts tags. Et les commentaires, pour moi, c’était surtout pour mettre le lien vers les photos de mes factures, alors c’est parfait.

  • Le versionnage de fichier avec Git ou autre (moi, c’est dans Nextcloud) est facile. Et on s’entend pour dire que la corruption d’un fichier texte est quasi impossible.

Les moins :

  • La seule documentation trouvée sur le sujet est en anglais. J’en suis autant surpris que déçu. Même chose pour le logiciel lui-même; je n’ai pas réussi à avoir les noms des mois en français dans mon rapport comparatif mensuel.

  • Évidemment, il faut aimer taper des commandes dans le terminal et lire la documentation (qui est en anglais, je le rappelle). Ça ne me rebute pas, mais je suis conscient que ce n’est pas à la portée de tout le monde.

  • Tenir son journal des opérations dans un fichier texte fait qu’il n’y a pas à la base de façon rapide et automatisée de vérifier la validité d’une nouvelle transaction entrée.

C'est en premier lieu très léger comme logiciel; ça ne peut surtout pas se comparer à Sage 50. Mais pour quelqu'un qui commence à gérer son budget (et qui lit l'anglais), cela peut être une excellente porte d'entrée!

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