L'an passé, à presque pareille date, je lisais la nouvelle que le gouvernement fédéral dépense des millions de dollars en publicité sur Facebook. Cela m'a fait réfléchir énormément.
Que Radio-Canada voit un scandale du fait que le gouvernement fasse cela, soit. Que notre gouvernement envoie une partie de nos taxes à une compagnie américaine pour faire afficher de la publicité aux utilisateurs canadiens de Facebook entre deux photos de chatons ou comme intermède entre deux parties de Candy Crush, ça peut être scandaleux. Après avoir lu cet article, je me suis mis à me demander pourquoi on a pris une telle décision.
J'ai travaillé dans une boîte de publicité il y a quelques années, alors j'ai côtoyé quelques geeks de pub. En publicité, on doit savoir qui est le public cible. À qui on veut faire le message. On ne peut pas cibler tout le monde ; plus il y a de gens à cibler, plus la diffusion coûte cher, et chaque personne se sent moins concernée par le message publicitaire.
Une fois qu'on sait à qui s'adresser, on va se demander : « Où est le public cible? ». Si la publicité s'adresse aux aînés, on va diffuser la publicité dans le magazine le Bel-âge, par exemple. Si elle s'adresse aux enfants, on va faire des affiches pour les murs des écoles[1]. Pour les jeunes adultes? Où est-ce qu'on peut joindre les jeunes adultes pour le moins cher possible? Sur Facebook.
Et voilà comment le gouvernement envoie des millions de dollars à une entreprise américaine dans le but de faire passer un message à ces citoyens.
Ma réflexion va plus loin. Les rapports du gouvernement, c'est public. La loi d'accès à l'information nous permet de voir combien d'argent on a envoyé aux réseaux sociaux. Mais les entreprises privées canadiennes n'ont pas à divulguer ça. Si tout le monde va sur Facebook, alors je n'ose imaginer ce qu'un Wal-Mart Canada doit envoyer à Facebook pour que je puisse voir sa pub. Et le réseau des restaurants Saint-Hubert du Québec. Et le futur maire de la ville de Trois-Rivières qui veut que je vote pour lui. Et l'épicerie au coin de ma rue.
Tout ce beau monde-là envoie de l'argent à Facebook... parce que je suis sur Facebook. Et que je publie sur Facebook, pour que les autres puissent venir faire des commentaires sur ce que j'y publie. Et vice versa. On s'entretient sur Facebook, et on y retourne, de peur d'y manquer quelque chose.
Toi, tu te targues d'avoir un bloqueur de publicité... Facebook s'en fout. Que la pub soit vue ou pas, le gars qui a fait la pub a payé quand même. Et tu fais quand même partie des statistiques que Facebook montre au publicitaire pour dire que sa pub va être plus ou moins pertinente dans ta région du globe.
Donc, je vais tenter de simplifier par étapes.
- Des agences de publicité du Québec recommandent à leurs clients d'envoyer de l'argent à Facebook, une entreprise américaine, pour me livrer leur publicité.
- Des entreprises du Québec envoient de l'argent à une entreprise américaine pour me livrer leur publicité.
- Des gens du Québec envoient de l'argent aux États-Unis pour me parler, à moi et mes voisins.
- Des Québécois envoient de l'argent aux États-Unis pour parler à des Québécois.
... et cet argent, il revient de quelle façon? Facebook ne dépense rien au Québec, à ce que je sache.
Donc, j'ai arrêté de publier mes messages sur Facebook. Je publie ici, plutôt. Sur un serveur situé au Québec.
Évidemment, j'ai encore un compte Facebook. Il n'existe pas encore de solution de rechange viable à Facebook. Pas encore. Mais on y travaille. Je suis aux aguets. Et en attendant, j'ai décidé que je retournerais sur Facebook le moins souvent possible, pour réduire ses statistiques et inciter les publicitaires à aller ailleurs. Qu'ils recommencent à payer les journaux locaux, pour que l'argent reste au Québec. D'ailleurs, je salue le gouvernement québécois actuel pour son initiative de privilégier la publicité dans les médias du Québec.
Je veux que l'argent reste au Québec. Je suis fier d'être Québécois.
Bonne Journée nationale des patriotes!
Note
[1] Évidemment la publicité pour enfants, en gros, est interdite au Québec, mais il y a quand même des exceptions à la loi. V'là la brochure!